Malgré la fatigue et le plaisir de retrouver sa couche douillette, Mirette n’arrivait pas à s’endormir et ne cessait de tourner dans son lit. Le pansement que le médecin avait mis sur son œil la gênait, de même que la crème sur ses coussinets qui devaient guérir les brulures du désert. Elle n’arrêtait pas de penser qu’elle aurait dû être au palais de la forêt et fulminait contre elle-même d’avoir accepté de rester en arrière. Elle se retrouvait à attendre des nouvelles. Et à tourner dans son lit. Elle finit par se lever pour aller admirer la grande place et le quartier des caracals du haut de son balcon. La lune pleine la regardait et éclairait l’ensemble de la ville. Au moins pensa-t-elle, ils doivent y voir clair pour avancer. En regardant l’escalier en face se profiler, elle se promit d’aller voir Vanille dès le lendemain. Soudain elle remarqua un mouvement dans l’ombre et un sombre pressentiment fit frissonner son échine. Elle appela doucement.
— Chacha ? Chacha, viens vite s’il te plait.
Le petit chat des sables passa la tête par le balcon du dessus.
— Oui, qu’y a-t-il ?
— Il y a du mouvement en bas, regarde bien, dans l’ombre.
— Je vais voir, je reviens.
Il ne fallut pas cinq minutes pour que le chat des sables soit en bas, et à peine autant pour qu’il rejoigne Mirette.
— Vous avez raison. Il faut sonner l’alerte, il y a des loups et des ours en arme qui approchent.
— La ville n’a presque plus de gardes. Mon père nous a trahis !
— Nous verrons plus tard. En tout cas, il y a un loup richement habillé à leur tête.
— Un loup richement habillé ? Va prévenir les gardes qu’ils ferment les portes du palais. Vite et sans bruit. Et reviens me voir dès que c’est fait. Je dois en avoir le cœur net.
Mirette enfila une combinaison couleur sable, s’enroula dans sa cape sombre, en remonta la capuche et passa le rebord du balcon pour atterrir sur la corniche. L’excitation lui faisait oublier ses coussinets douloureux. Elle gardait les yeux fixés sur les carnivores qui approchaient, inconscients de l’ombre qui les guettait. Elle sentit Chacha avant de le voir, et lui souffla dans l’oreille.
— C’est bien Varini. Fleck ne le trouvera pas au palais. Il est plus malin que mon père ne le pense. Et Artep est vide…
— Pas complètement. Les gardes du palais sont prêts à se battre. Et les caracals sont là, il faut aller les trouver.
— Pourquoi ne sont-ils pas allés avec les autres ?
— Ils voulaient rester auprès de leur reine. Fleck le leur a accordé.
— Bien. Va retrouver les gardes, qu’ils laissent les agresseurs rentrer dans la cour principale sans trop de résistance. Mais une fois à l’intérieur, toutes les issues doivent être bloquées, qu’ils n’aient accès à rien. Et si tout se passe bien, les caracals viendront prendre les agresseurs à revers. Ils devront se rendre.
— Entendu, je vais prévenir les gardes. Et je récupère aussi tous les miens. Nous sommes petits, mais féroces.
Mirette avait un peu de mal à imaginer Chacha et ses semblables, de si adorables peluches, en combattants féroces, mais il n’était plus temps. Tandis qu’il remontait vers les étages du palais, elle se faufila jusqu’en bas, longea le filet d’eau pour traverser sans bruit la grand-route après la colonne des envahisseurs. Elle remonta prestement vers le quartier des lynx et ses pas l’amenèrent instinctivement devant la maison de sa famille. Avant de rentrer, elle se retourna pour voir les ours pousser les grandes portes du palais. Déjà !
— Bourbon, réveille-toi ! Bourbon !
Mirette n’osait pas faire trop de bruit de peur d’attirer l’attention de l’ennemi. Mais quand les éclats des armes et les cris des assaillants montèrent, elle ne retint plus ses coups sur la porte qui finit par s’ouvrir.
— Bourbon ! Le palais est attaqué, il faut réveiller les caracals, il n’y a plus que vous à Artep. Les gardes ne tiendront pas longtemps.
En un instant le grand lynx avait compris la situation, il empoigna son arme et sortit en devançant Mirette. En entendant les bruits de bataille qui montait du palais, il bondit vers les autres maisons, tapant sur les fenêtres avec un rythme défini. En quelques minutes, plusieurs lynx en armes se trouvaient à côté de la reine, tandis que les derniers sortis se faufilaient dans toutes les ruelles pour réveiller les autres. Les troupes augmentaient à vue d’œil. Mirette ne tenait plus en place, elle avait peur d’arriver trop tard.
— Nous ne pouvons plus attendre. Des loups et des ours traitres à mon père attaquent le palais. Les gardes sont prévenus, ils les ont bloqués dans la grande cour du bas. Nous devons les prendre à revers, les empêcher de ressortir par la grand-porte. Allons-y !
Bourbon prit le bras de Mirette.
— Nous y allons, ma Reine, mais vous, vous restez ici, à l’abri. Il ne saurait être question de vous voir blesser.
— Entendu. Je viendrai avec le deuxième groupe, quand la situation sera, je l’espère stabilisée.
Mirette vit les troupes de félins descendre souplement et sans bruit la falaise, et s’engouffrer comme un fleuve dans le palais. Elle tremblait d’excitation, les oreilles tournées vers le bas pour entendre le moindre bruit. La pierre rouge brillait sous la lune, rendant l’ambiance surréaliste. Il ne fallut pas longtemps pour que de nombreux félins et félines reforment un groupe dense autour de Mirette. Vanille vint lui prendre le bras.
— Tu es chez toi. Nous ne laisserons personne te le reprendre, sois tranquille, et va te battre avec ton peuple.
Mirette sourit, fit tomber son manteau, prit son couteau en main, et embrassa tendrement sa grand-mère, avant d’entrainer ses congénères dans la pente à la rescousse des félins déjà au corps à corps.
— Allons rejoindre nos amis. Et sortir ces intrus d’Artep !
La suite (et la fin) c’est ici !