Chapitre 4

Depuis deux semaines qu’elle s’était installées dans ses appartements, Mirette n’avait pas revu Fleck. Elle avait visité une grande partie du palais, généralement en compagnie de Flibuste qui lui avait été affectée comme garde du corps. Le chacal était plutôt de bonne compagnie, et après avoir boudé les premiers jours, elle finit par apprécier sa présence. Après tout, Fleck lui rendait service en ne s’intéressant pas à elle, il serait bien plus simple de demander à rentrer chez elle dans quelques semaines.

— Ah !!!

Mirette sursauta et se raccrocha au bras de son cavalier tout en invectivant le petit chat des sables qui était apparu dans l’escalier en se faufilant entre ses pattes, manquant de la faire tomber.

— Mais ça n’est pas possible, enfin, faites attention où vous posez les pattes, j’ai failli vous écraser !! Et puis cette manie de ne pas vous habiller, enfin ! quand allez-vous vous civiliser !

Le lynx n’avait pas fini sa phrase que la bestiole avait déjà disparu dans une des nombreuses anfractuosités, formant un réseau de mini couloirs, que seuls lui et ses congénères pouvaient emprunter grâce à leur petite taille. La queue de Mirette ne cessait de s’agiter, démontrant son agacement. Elle détestait être surprise, elle détestait ces petites bêtes qui exhibaient leur animalité, elle détestait cette poussière de sable qui lui agressait les narines et l’obligeait à se brosser le pelage plusieurs fois par jour. Se rendant compte qu’elle tenait toujours le bras du chacal, elle le repoussa sans ménagement.

— Et vous lâchez moi, enfin ! mais c’est quoi ce pays ?! Vous n’êtes vraiment pas civilisé ici !

Flibuste l’entendait encore râler alors qu’elle avait rejoint ses appartements. Il eut une pensée émue pour les différents domestiques à son service qui devait supporter ses humeurs inconstantes, et poursuivit son chemin. Il rejoignit son frère dans la pièce d’étude où il restait enfermé depuis son retour de la Palantine. Son sourire s’effaça en entrant à la vue de la montagne de papiers qui jonchaient la table, et s’étalaient au sol.

— Bien le bonsoir, j’aimerai parler à mon frère, seul….

Peu de personnes étaient capables de tenir tête à Flibuste, et les conseillers présents mirent un empressement non feint à sortir, autant par crainte du grand chacal, que par épuisement suite au traitement que leur imposait le roi.

— Tu tombes bien Flibuste, je crois qu’on tient quelque chose là, dans la version de notre arrière-grand-père de l’encyclopédie du désert, il est dit que si une femme ne peut tenir quatre jours dans le désert sans boire, elle ne peut prétendre au titre de reine, évidemment Mirette pourrait tenir, mais j’ai quand même une bonne possibilité que ça fonctionne, et ça permettrait très probablement de pouvoir rejeter cet abject contrat, qu’en penses-tu ?

— Fleck… Depuis combien de temps n’as-tu pas dormi ?

— Depuis quelques jours, il y a tellement de documents à lire, je n’ai pas trop le temps, mais tu n’as pas répondu.

— Fleck, il faut que tu arrêtes, il n’y a pas de biais dans ce contrat. Il n’y a pas d’échappatoire. Ce que dit La Houpe est la vérité, même si cela ne nous plait pas. Arrête de t’obstiner, tu perds un temps précieux.

— Je préfère perdre un peu de mon temps que de perdre la Palantine ! Enfin c’est aberrant tu as bien vu ce que j’ai été obligé de signer ! il faut que je trouve une solution…

— Ça suffit ! Tu es le roi, mais ça ne t’empêche pas d’être un idiot ! Enfin, crois-tu vraiment que Fenhrir acceptera de te céder si tu laisses sa fille mourir dans le désert ? Il n’y a qu’une solution pour garder la Palantine et elle est devant tes yeux, il faut que tu séduises Mirette pour qu’elle souhaite rester ta femme ! C’est tout !

— Tu n’arrêteras donc jamais de me parler sur ce ton, Flibuste. Je ne suis pas que ton frère, je suis ton roi, tu me dois obéissance et respect.

— Mon respect, tu le perds chaque jour un peu plus depuis la cérémonie de fiançailles. Le chacal montrait ses dents tout en parlant, il perdait patience.

Comme s’il n’attendait que ça, Fleck se rapprocha de son frère, les oreilles en arrière. Bien que plus petit que lui, ça ne l’avait jamais empêché de l’attaquer. Depuis leur enfance jusqu’à aujourd’hui, les bagarres restaient un moyen de percer les abcès qui ne manquaient pas de naitre entre eux. Après quelques minutes de roulé-boulé et quelques claquements de dents qui arrachèrent des touffes de poils autant brunes que beiges, les deux frères se retrouvèrent tous deux sur le dos dans un grand fou rire.

— Quand arrêterons-nous de nous comporter comme cela ? demanda Fleck.

— J’espère jamais ! répondit Flibuste tout en rigolant. Allons prendre un verre pour parler tranquillement, veux-tu ?

— Je te l’offre sur la terrasse, allons-y.

— Regarde notre citée, Flibuste. Elle est belle et calme ce soir, comme tous les soirs. Et pourtant, si l’eau venait à manquer, tout s’effondrerait.

— Fenhrir ne va pas couper la rivière, il n’en a pas les moyens.

— C’est vrai, mais cette rivière est notre seul apport en eau douce au nord du désert. Grâce à elle il y a du commerce, grâce à elle nous pouvons traverser le désert en sachant qu’il y a une oasis au bout des dunes. Je ne peux pas concevoir qu’on perde cette région. Fenhrir nous interdirait l’accès, ou bien nous ferait payer des taxes excessives. J’ai bien compris que tu ne veuilles pas que je laisse la jolie Mirette mourir de soif dans le désert, et je t’accorde que ça n’est sans doute pas la meilleure idée que j’ai eue. Mais dis-moi, quelle est ta proposition pour que nous ne perdions pas la Palantine ?

— Il n’y a qu’un moyen : Mirette doit rester. Se plaire ici à Artep, et dans tout le pays aride. Elle doit accepter de devenir ta femme. Tu dois la convaincre, mieux, la séduire.

— C’est absurde. Elle est obtuse. Et n’a aucune envie de rester ici. Tu l’as bien vu.

— J’ai fait plus que la voir. Je l’ai observé. Je l’ai fréquenté. Plus que toi d’ailleurs, ce qui est aberrant, mais passons sur ce point.

— Alors tu es d’accord. Elle est insupportable. Et imbue d’elle-même.

— Elle joue un rôle, Fleck. Le rôle de la pimbêche. Mais elle a du mal à tenir le rôle 24 h sur 24 h. Rappelle-toi quand la calèche est arrivée à l’entrée d’Artep. Ses yeux se sont écarquillés. Elle était subjuguée. J’ai eu accès à cette facette-là plusieurs fois pendant nos balades. Elle est curieuse, intelligente et pose des questions. Et puis elle se reprend, se referme, reprend son rôle. Il n’y a pas le choix, il faut que tu perces cette armure.

— Ça a l’air plus facile à dire qu’à faire.

— Il faudrait commencer par aller la voir…

— Mouais

— Tu veux sauver la Palantine, oui ou non ? Alors, va dormir, et demain, va faire ce que tu as à faire !

— On verra. Encore une question, tu es d’accord que c’est une caracal ?

— Oui, je le crois aussi.

— Mais elle, elle dit qu’elle est une lynx des forêts.

— Ça se comprend. Je ne vois pas bien son père lui expliquer qu’elle est une lynx du désert. Alors que les habitants du désert sont considérés par les loups et leur congénère comme des idiots fainéants, entre autres qualités.

— Pas faux. C’est vrai que ses traits sont aussi beaux que ceux des caracals…

— Aussi beaux ? Tu vois, ça pourrait être moins dur que prévu…

— Lâche-moi, tu veux ?

La suite c’est par ici

By 4 December 2022.  No Comments on Chapitre 4  Désert   

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *